La collaboration économique et le service du travail obligatoire

La collaboration économique d'État est un choix délibéré. Elle entre dans la logique des nouveaux dirigeants : celle de la recherche de la souveraineté et de la légitimité auprès des vainqueurs allemands et cela a commencé par la signature d'un armistice. La France de Vichy est la seule à l'avoir fait. C'est un cas unique. Elle est la seule puissance militaire et économique à être sous la tutelle des puissances de l'Axe (l'Allemagne, l'Italie et le Japon). Avec son empire colonial, la France devient le premier fournisseur économique et financier du IIIeme Reich.
Les dirigeants français font le choix de négocier avec l'occupant : c'est la politique du « donnant-donnant ». C'est en France que cette expérience a été la plus poussée. Pour l'Allemagne nazie, son but est d'exploiter au maximum les richesses françaises et de mettre sous tutelle une puissance rivale. Mais il s'agit aussi d'une revanche sur le Traité de Versailles de 1918. Les nazis organisent un pillage en règle des richesses, notamment par le montant exorbitant des frais d'occupation. À cela s'ajoute la collaboration économique qui oblige les entreprises françaises à satisfaire les commandes du Reich (1).
Sous le gouvernement de l'Amiral Darlan (février 1941), le pays est dirigée par des « technocrates » comme Jean Bichelonne (industries et réparations), François Lehideux (équipements), Robert Gibrat (électricité) ou Jacques Barnaud (finances). Ils veulent profiter de la table rase de la défaite de 1940 pour laisser la place à de nouvelles expériences comme des coopératives, une économie planifiée, un plus grand pouvoir aux ingénieurs... Ils mettent en place une économie dirigée à la fois pour gérer les pénuries et participer à l'effort de guerre allemand.

À partir de la fin 1942-début 1943, la situation change pour l'Allemagne nazie (cf. la défaite de Stalingrad). La politique du « donnant/donnant » n'existe plus ; le 11 novembre 1942, la France est entièrement occupée par les troupes allemandes.
Avec le retour au pouvoir de Pierre Laval, en avril 1942, la France devient un satellite de l'Allemagne et le régime de Vichy se transforme en un état policier avec notamment le renforcement de la persécution des Juifs et l'influence de plus en plus importante de la Milice.

*Au début du conflit, les prisonniers de guerre ont été transférés en Allemagne. Les officiers ont été dirigés vers des Oflags tandis que les soldats sont allés dans des stalags. Certains sont appelés à combattre auprès de l'armée allemande ; d'autres sont mis au service de l'économie de guerre. Ils vont dans des fermes, des usines, des mines...

Pierre Laval passe un marché avec Fritz Sauckel, commissaire du Reich chargé de la main d'|œuvre ; ce sont les actions Sauckel :

- La Loi du 22/06/1942 dite « de la Relève » se base sur un échange : le départ de trois travailleurs qualifiés permet la libération d'un prisonnier de guerre*. Le régime de Vichy espère la libération de 50 000 prisonniers pour l'envoi de 150 000 travailleurs volontaires. En réalité ce sera 1 pour 7 (2). C'est un marché de dupes. Cela ne fonctionne pas.

- Une nouvelle loi est votée le 04/09/1942 où les travailleurs sont réquisitionnés : les hommes âgés entre 18 et 50 ans et les femmes célibataires entre 21 et 35 ans. À nouveau, c'est un échec.

- Enfin le 16/02/1943 est créé le service du travail obligatoire (STO). Il s'agit de la réquisition de classes mobilisables années 1940, 1941 et 1942. Le service dure deux ans. Au départ, les agriculteurs et les mineurs sont exemptés. Dès le printemps, les refus au départ ne cessent d'augmenter. Les réfractaires se cachent et entrent dans la clandestinité. Dès mars 1943, des prêtres comme l'abbé Alfred Ritz, curé de Viuz-la-Chiésaz ou celui d'Allèves, l'abbé Léopold Charles, désapprouvent « La relève » et le travail obligatoire. Leur réseau a pris en charge des réfractaires. (3)


1 - Jérôme Prieur, Le mur de l'Atlantique, éditions Denoël, 2010, 224 pages.

2 - Signes de la collaboration et de la Résistance, catalogue de l'exposition de l'École supérieure des Arts décoratifs de Strasbourg, éd. Autrement/Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives [Ministère de la Défense], 2000, page 86.

3 - Esther Deloche, Le diocèse d'Annecy : de la séparation à Vatican II (1905-1962). Thèse de doctorat d'histoire [histoire contemporaine] sous la direction de Sorrel Christian, Université Lyon 2, octobre 2009, page 423-424.