La Résistance

Le STO marque une vraie rupture entre les Français et le maréchal Pétain. C'est un dilemme posé aux jeunes Français : la question de l'obéissance à la Loi. Les mouvements chrétiens, catholiques, ont montré parfois leur indépendance vis-à-vis de la hiérarchie (1). En 1943, plusieurs choix sont possibles : partir travailler en Allemagne ; entrer dans la Milice qui vient d'être crée ; devenir réfractaires, se cacher, devenir un hors-la loi et vivre dans la clandestinité. Il apparaît que les curés ont joué un rôle important chez certains jeunes dans leur prise de décisions à ne pas obéir.
Certains réfractaires feront le choix de la lutte armée et entrent dans la Résistance*.

*Huit grands mouvements de la Résistance, qui formeront à partir de la mi-1943 le Conseil national de la Résistance :
-Ceux de la Libération (CDLL)
-Ceux de la Résistance (CDLR)
-Combat fondé à Lyon en 1941
-Front national communiste
-Libération -Nord
-Libération-Sud
-Organisation civile et militaire (OCM).

Le travail du résistant consiste à transporter, garder, distribuer des tracts, à héberger des prisonniers de guerre évadés, des clandestins... Dans le réseau où il est entré, généralement par cooptation, il n'a de contacts qu'avec un nombre limité de personnes, et il accomplit les tâches qui lui sont affectées. Les tracts et les journaux clandestins constituent souvent le premier geste et le premier travail des résistants.

Au début de l'Occupation, les réseaux et mouvements de résistance sont très isolés. Progressivement, la Résistance s'unifie. Les réseaux contrôlés par les Britanniques ou les Américains ne sont pas concernés par cette unification. Par contre ceux de la résistance communiste ne sont que partiellement concernés : le contact entre les envoyés de De Gaulle et les communistes ne s'établit qu'à la fin de 1942. La coordination des mouvements de la zone sud et la fusion de leurs moyens militaires buttent sur des rivalités internes. Après discussions, les deux principaux mouvements de Résistance reconnaissent clairement l'autorité de la France libre, devenue France Combattante. Ils constituent désormais l'Armée secrète (AS). Ils reconnaissent le général de Gaulle comme leur chef.
Les responsables du mouvement AS dans la Haute vallée de l'Arve sont le capitaine Raoul Lanet (Bourrel) et son adjoint Maurice Drouot (Lorrain). Beaucoup de réfractaires au STO sont entrés dans la Résistance. À Chamonix, ils se cachent dans les montagnes. Beaucoup d'entre eux travaillent sur le chantier du téléphérique de l'Aiguille du Midi sur le tronçon « gare des Glaciers/Col du Midi ».
Il faut un an à Jean Moulin pour parvenir à former un noyau solide. Le 26/01/1943, les trois grands mouvements Combat, Franc-tireur et Libération-Sud fusionnent pour former les Mouvements unis de la Résistance (MUR). Au cours du second semestre 1943, les territoires de l'Empire français et les forces armées extérieures et intérieures deviennent dépendants du comité français de la Libération nationale (CFLN) créé en juin. Il devient, en avril 1944, le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF). L'union s'accomplit progressivement entre l'Armée secrète, l'Organisation de résistance de l'armée (ORA) et les Francs-tireurs et Partisans (FTP). Une fusion, fin décembre 1943, entre l'AS et les FTP, donnent naissance aux Forces françaises de l'Intérieur (FFI), placées sous l'autorité du général Kœnig en mars 1944.

Jusqu'en novembre 1942, la zone libre procure une situation singulière à la Haute-Savoie, en particulier pour toutes personnes recherchées et désirant passer en Suisse (pays neutre lors du conflit). En 1941, le préfet de Haute-Savoie signe un accord de refoulement avec la gendarmerie du Valais. L'échange des refoulés se fait aux postes de Saint-Gingolph et de Vallorcine (2).
Les premières arrivées importantes de familles juives commencent en été 1942 suite aux accords Bousquet-Oberg (rafle du Vel d'hiv' 16-17 juillet 1942). Une fois arrivé dans le secteur d'Annemasse/Saint Julien-en-Genevois, le passage de la frontière peut se faire soit par la plaine, soit par la montagne. Il existe principalement trois chemins possibles :
- le passage par le lac Léman avec l'aide de pêcheurs de Thonon-les-Bains.
- les passages « montagnards » avec l'aide de guides de haute-montagne comme Louis Pache (3) par Vallorcine
(la cascade du Bouqui et le col du Passet) ou bien par le col de Balme (direction des Esserts puis des Jeurs ; ce passage est praticable en hiver).
- le passage par le Genevois, notamment par Archamps/Collonges-sous-Salève.

Ces aides relèvent d'actes isolés et tous ne passent pas les personnes recherchées (réfractaires, familles juives, résistants, soldats alliés) gratuitement.

Dans sa thèse, Esther Deloche estime à 4% les prêtres du diocèse d'Annecy à s'être vu décerné le titre de « Justes parmi les Nations » (4). C'est le cas de l'abbé Camille Folliet (5), aumônier de la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne). Il a joué un grand rôle. Même s'il ne fait partie d'aucun groupe ou filière précis, il est le maillon entre les différentes organisations. Il parcourt le diocèse pour trouver des refuges et il se rend compte de l'utilité des presbytères frontaliers. Parmi ces prêtres frontaliers qui ont aidé l'abbé Folliet, vous trouvez l'abbé Marius Jolivet, curé de Collonges-sous-Salève qui a fait passé des enfants, des femmes et des personnes âgées ; l'abbé Dompmartin, à Monnetier-Mornex, accompagne les personnes jusqu'au Pas-de-l'Echelle.
D'autres organisent le passage c'est le cas de l'abbé Rosay, curé-archiprêtre de Douvaine. Il a créé un réseau basé sur des jeunes de la JAC (Jeunesse agricole chrétienne). Son groupe devient une filière de passage composé de trois ecclésiastiques et de militants d'action catholique.
Dans le secteur de Passy/Chedde, l'abbé Berger, aumônier de la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne) aide les jeunes hommes à se cacher dans le désert du Platé. Le camp est attaqué en août 1943 et l'abbé est arrêté par les troupes italiennes.

Dans la vallée de Chamonix voici quelques structures d'accueil et de transit :
- aux Houches, la famille Désailloud a hébergé la famille Kipnis (Mindla-Léa et David) dans leur ferme. Puis ils sont recueillis par Pierre et Marie Devillaz, à Barberine après avoir été floués par des passeurs et refoulés par les gendarmes suisses.
- à Chamonix, dans l'ancien hôtel de la Paix (actuellement au-dessus du magasin Super-U) loge une cinquantaine d'enfants pris en charge par l'Association d'aide aux mères de familles (basée à Saint-Etienne) où Marinette Guy et Juliette Vidal en sont responsables. Auparavant, elles ont caché les enfants dans le village des Bois, dans la « maison du Clos », propriété de l'association. Elles ont bénéficié de l'aide de certains commerçants comme la boulangerie Tenz et la boucherie Claret. (6)
- aux Pèlerins, la famille Camille et Fernande Claret-Tournier a caché Berthe Sadkowski chez eux. Elle est allée à l'école et en septembre prochain, une plaque commémorative sera posée en souvenir à l'école Jeanne d'Arc en présence de son fils. Toujours aux Pélerins, l'abbé Pierre organise depuis Grenoble une filière avec l'aide de son ami guide, Léon Balmat.
- à Vallorcine, l'abbé André Payot héberge les personnes en transit pour la Suisse (Finhaut, Trient...) dans le clocher de l'église ou dans le presbytère avant de les confier à un guide, Louis Pache. Il peut aussi compter sur la propriétaire de l'hôtel du Buet, Mme Germaine Chamel (7)
La famille Vouilloz a aussi aidé plusieurs familles juives à passer la frontière.

Certaines filières sont démantelées comme cet exemple (8) : la gendarmerie inculpe Adrien Ancey (cultivateur à Vallorcine), Etienne Payot (guide de haute-montagne à Chamonix), Michel Payot (guide de haute-montagne à Chamonix), Jules Vouilloz (agriculteur à Vallorcine), Angel Lambruschini et son épouse Suzanne Comte (hôtelier à Chamonix) et Antoine Arpin (garagiste à Chamonix) pour avoir aider et/ou participer aux passages.

Pour remercier ces personnes de leur courage, certains ont reçu le titre honorifique de « Juste parmi les Nations » : Marinette Guy et Juliette Vidal, Camille et Fernande Claret-Tournier, l'abbé André Payot, Louis et Franceline Pache, Pierre et Marie Devillaz, Mme Germaine Chamel, Oscar et Angèle Desailloud et leur fille Madeleine, épouse Drouet et Roger Taillefer.
Ce titre est remis par le Mémorial de Yad Vashem (en mémoires aux victimes de la Shoah) au nom de l'État d'Israël.

Dans la vallée de Chamonix des combats ont eu lieu en haute montagne, notamment vers le refuge Torino et le col du Midi.
L'armée allemande tient plusieurs garnisons du côté italien (Entrèves, Courmayeur...). Cela lui permet des incursions dans le Massif du Mont-Blanc. La Résistance monte la garde au refuge Torino (3375 m d'Alt.) à la frontière franco-italienne, près du col du Géant. C'est un endroit stratégique. Dans la nuit du 2 au 3 octobre 1944 (M. René Bozon évoque lui la nuit du 5 au 6 octobre) un commando d'Alpen jagers (dont A. Heckmair, vainqueur de la face N. de l'Eiger) tente de prendre le refuge. Les maquisards sont surpris, se défendent mais en vain. Il y a quatre morts : Henri Kortz (chef de poste), François Coquoz, René Berthon et Luciano Maggiora. Huit maquisards sont fait prisonniers dont Lucien Thivierge (9)
Une seconde bataille en haute montagne a lieu au col du Midi (3532m d'alt.) et au col du Gros Rognon dans la nuit du 14 au 15 février 1945 (M. René Bozon indique la date du 17 février). Cette fois des tirs d'artillerie et des bombes larguées par l'aviation sont employés pour prendre la position. Le résistant François Baz meurt dans la bataille.


1 - Esther Deloche, Le diocèse d'Annecy : de la séparation à Vatican II (1905-1962). Thèse de doctorat d'histoire [histoire contemporaine] sous la direction de Sorrel Christian, Université Lyon 2, octobre 2009, page 413.

2 - Gabriel Grandjacques, La montagne-refuge : les Juifs au pays du Mont-Blanc Saint-Gervais, Megève...1940-1944, éd. La fontaine de Siloé, coll. Les savoisiennes, page 205.

3 - N. Pache Ville et JL de Uffredi, Louis Pache guide et passeur 1940-1944 ; de Vallorcine à la Suisse, éd. Les Passionnées de bouquins, coll. Témoignages, 2012, 125 pages.

4 - Esther Deloche, Le diocèse d'Annecy : de la séparation à Vatican II (1905-1962). Thèse de doctorat d'histoire [histoire contemporaine] sous la direction de Sorrel Christian, Université Lyon 2, octobre 2009, page 403.

5 - Esther Deloche, Le diocèse d'Annecy : de la séparation à Vatican II (1905-1962). Thèse de doctorat d'histoire [histoire contemporaine] sous la direction de Sorrel Christian, Université Lyon 2, octobre 2009, page 407.

6 - Nathalie Devillaz, Vallorcine autrefois, tome 2, éd. La Fontaine de Siloé, 2009, pages 228-230.

7 - N. Pache Ville et JL de Uffredi, Louis Pache guide et passeur 1940-1944 ; de Vallorcine à la Suisse, éd. Les Passionnées de bouquins, coll. Témoignages, 2012, page 31 et page 52.

8 - G. Grandjacques, La montagne-refuge : les Juifs au pays du Mont-Blanc Saint-Gervais, Megève... 1940-1944, éd La Fontaine de Siloë, 2007 (cote ADHS 26W12)

9 - Philippe Cortay. La mémoire du combat de Torino In Le dauphiné libéré, 2011