La Libération

Pour beaucoup de villes, la Libération connaît le même schéma : dernières résistances allemandes, tirs d'artillerie, combats, bombardements, ponts qui sautent, repli allemand, règlements de comptes, enfin entrée des Alliés. La libération de Chamonix, le 17/08/1944 a suivi à peu près ce schéma. Le commandant allemand et ses troupes se sont repliés au Majestic, où de nombreux soldats sont en repos ou en soin. En fin de journée, après de longues négociations menées par les officiers des FFI, Lanet (Bourrel) et Bettenfield, le commandant allemand se rend. Finalement, la Libération de Chamonix ne se fait pas dans le sang ; même si la veille, un accrochage sur le viaduc Sainte-Marie fit une victime, le sous-lieutenant des FFI, Renaud Dartigue-Peyrou.
Le jour même de la Libération, le chef du secteur de la Résistance, R. Lanet met en place une délégation spéciale chargée d'administrer la commune, dont le président est Jules Devouasoud. Le 7/09/1945 Jules Devouassoud à la majorité absolue est élu maire auprès d'un Conseil municipal désigné par le Comité de Libération.

La vallée fait partie de la première vague de libération, qui s'échelonne de juin à septembre 1944. Plusieurs régions connaissent la Libération après 1944, comme le port de Lorient. La fête est éphémère car la pénurie alimentaire est toujours là. Mais c'est un véritable soulagement psychologique.

Avant l'épuration officielle, une épuration extra-judiciaire commence. Chamonix ne fait pas exception à la règle : plusieurs femmes sont tondues devant l'hôtel de ville.

Une fois la guerre terminée, le Conseil municipal a souhaité tourner la page du régime de Vichy et de la Révolution nationale, notamment en débaptisant les noms de place ou de sommets donnés pendant cette période comme l'indique la délibération du 27/09/1945 : « l'Aiguille du maréchal Pétain » redevient « l'Aiguille de Chamonix » et la place du Monument aux Morts, devenue « place maréchal Pétain », devient « place de la Libération ».

Chamonix a eu plusieurs prisonniers de guerre et de déportés : Jacques Payot, Pierre et Marcel Claret, Ernest et Roger Vouillamoz et M. Klébert. D'après les archives de Raoul Lanet (Bourrel) qui fut avec Maurice Drouot (Lorrain) les responsables du mouvement AS puis des FFI dans la Haute vallée de l'Arve, nous avons connaissance de quelques parcours de prisonniers de guerre :

- Jacques Payot a été arrêté le 22/01/1944 dans l'Ain. Il est emprisonné à la prison Mont-Luc* à Lyon puis au camp de transit de Compiègne-Royallieu (le deuxième après celui de Drancy). Il est envoyé dans le camp de Buchenwald* où il est libéré par les Américains le 10/04/1945 et rapatrié le 29/06/1945.

*Le camp de Buchenwald, près de Weimar est créé en 1937. Le premier grand convoi de Français arrive en juin 1943 en provenance du camp de transit de Compiègne-Royallieu. En août 1943, suite aux bombardements sur l'usine de Peenemüde qui fabrique les fusées V2, les nazis décident de transférer la production de ces missiles dans des souterrains. Ils utilisent les déportés pour construire les tunnels. Le camp de Dora est créé. A partir du 28/10/1944, Dora devient un camp de concentration autonome de Buchenwald, Mittelbau-Dora. En février 1945, Buchenwald devient le plus grand camp de concentration : fin février 11200 déportés dont 2500 femmes. A l'approche des troupes soviétiques, les nazis font évacuer les camps. Ce sont les marches forcées dites aussi « marches de la mort » où de nombreux déportés, épuisés, meurent sur la route.



- Pierre et Marcel Claret sont arrêtés par la Gestapo pour ravitaillement au maquis les 13 et 15/09/1943. Après la prison Mont-Luc* et le camp de Compiègne ils sont déportés dans le camp de Buchenwald*, puis celui de Mittelbau-Dora. Ils font tous les deux partie du commando « Tunnel ». Pierre est libéré par les Alliées le 01/06/1945 et rapatrié le 24/06/1945. Marcel, quant à lui, a été déplacé dans le camp de Bergen-Belsen, où depuis mars 1944, les déportés devenus trop faibles et épuisés y sont envoyés. A la fin de l'année, il devient un camp de concentration avec l'arrivée des prisonniers des camps d'Auschwitz, Ravensbrück, Mathausen, Buchenwald... Marcel Claret est libéré par les Britanniques le 15/04/1945 et rentre en France le 01/05/1945 à Lille où il est accueilli par la Croix rouge.

- Ernest et Roger Vouillamoz sont arrêtés le 15/09/1943 par la Gestapo. Après avoir été emprisonnés à Mont-Luc* et au camp de transit de Compiègne-Royallieu, ils sont déportés à Buchenwald* puis à Mittelbau-Dora où ils incorporent le commando « Tunnel ». Roger décède à Buchenwald le 15/03/1944. Ernest est libéré par les Britanniques le 15/04/1945 et est rapatrié le 02/05/1945. Il est pris en charge à Lille par la Croix rouge.

*La prison Mont-Luc à Lyon a été édifiée en 1921. Déclarée insalubre en 1932, elle redevient prison militaire au début de la guerre. A partir de novembre 1942, les Allemands la réquisitionnent. La Gestapo, dirigée par Klaus Barbie, surnommé « le boucher de Lyon », y mène ses interrogatoires. Après son procès en 1987, il est condamné à la perpétuité pour crime contre l'humanité. Le nombre de détenus passés par Mont-Luc est estimé à 7 731.



Au printemps 1945, le retour des prisonniers de guerre débute. Une administration spéciale apparaît : le ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés.

La commune de Chamonix organise tous les samedis matin à 11h15 une réception en l'honneur des prisonniers de guerre et déportés rapatriés dans la semaine (délibération du 02/05/1945). Elle leur alloue une somme de 40000 francs sur ses fonds libres qu'elle verse à M. Ville, trésorier de l'oeuvre des Prisonniers et déportés (délibération du 08/05/1945).